Libre et heureux sous un ciel sans nuages sur cette route
incroyable !
De Manihuales à Cochrane, cette deuxième partie de carretera austral me réserve de magnifiques moments ! Parti de la
casa de ciclistas, je fais route avec mes deux acolytes : JB le franco-canadien et Arnaud le belge. Entre francophones, nous faisons route en ce jeudi 17 janvier vers la ville de
Coihaique à quelques 90 km de là. Sur cet asphalte lisse et sous le soleil qui tape toujours, les kilomètres défilent vite malgré la chaleur. Il faut dire, que le paradis bleu et vert fait
oublier que l’on est sur un vélo.
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Les blagues vont bon train, comme si nous étions assis tranquillement autours d’une table, les abdos et les zygomatiques
travaillent dur ! Bonne ambiance quoi ! Quand JB repère un coin où il y a des framboises, c’est la razzia, nous nous jetons sur les framboisiers comme des affamés. Pourtant
repus, ce n’est pas notre faim qui nous pousse à dévorer ces savoureux fruits, mais bien notre gourmandise. Pour ma part, ce sont mes fruits préférés, je me sens encore plus au paradis
lors de cette dégustation frugale.
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Les Trois Mousquetqires !
Rivières, cascades, montagnes et forêts… Le film en technicolor qui défile sous nos yeux nous laisse contemplatifs, en harmonie
avec cet environnement riche et vivant. Le bruit de l’eau, l’odeur des plantes et le chant des oiseaux régalent nos sens en total éveil.
Dans l’après-midi, après un pic-nic rivière, le vent nous poussent vers la capitale régionale à un rythme d’enfer, mais une
bosse (une côte) nous ralentit quelque peu et nous fait largement suer, le soleil tape encore fort ! Au sommet, nous apercevons enfin la ville depuis le mirador. Elle est beaucoup plus
grande que ce que j’avais imaginé. La troupe, formée des trois gaillards que nous sommes, pense communément à la même idée : demander asile chez les pompiers pour cette nuit
citadine.
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Confiant, à l’inverse d’Arnaud qui reste sceptique en raison des derniers refus qu’il a essuyés, je me lance dans la demande
à laquelle je suis plus qu’habitué maintenant. Mais nous sommes 3, c’est une première pour moi de demander aux pompiers un toit pour 3. Mais ça marche, l’accueil est super. Parfait, une
épine du pied est retirée ! En soirée, j’accompagne Arnaud qui rejoint des amis avec qui il va rouler, à un rythme plus modeste, les prochaines semaines. Nous voilà en ville, et c’est
la bonne heure…
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Les mojitos sont en promo,
c’est happy hour ! Et en une heure, nous sommes bien happy !!!
Le lendemain, après une courte nuit, je rejoins le réunionnais rencontré la veille dans le bar. Il voyageait en vélo, mais, en
raison d’un problème de santé survenu au sud de cette carretera austral, problème suivi d’une opération, il est en cours de rapatriement sanitaire. Aussi, il a décidé de laisser tout son matériel
sur place ! Il me donne des pneus neufs, des chambres à air, des réserves de gaz et donne au pote d’Arnaud son vélo en entier et tout équipé, à défaut de le laisser à l’abandon. Merci à toi
l’ami !
Je repars avec Jean-Baptiste sur la route. Mais au bout de quelques kilomètres, je perds l’asticot et je ne le retrouverai pas.
Problème mécanique, fatigue, ou envie de rouler à son rythme ? Je ne le saurai pas pour le moment… Me revoilà seul à présent après une semaine à plusieurs. Je ne roule pas beaucoup, me
réservant pour les prochains jours qui s’annoncent bien vallonnés. Je me délecte des paysages bucoliques de cette région au Sud de Coihaique et bivouaque au milieu du col.
Le lieu de bivouac n’est pas évident à trouver dans ces régions où tous les espaces de nature sont fermés, rendus
inaccessibles, la route étant clôturée de part et d’autre par des barbelés. Même les lits des rivières sont délimités par des clôtures, perpendiculairement au sens découlement, c’est pour
dire ! Ce soir, n’ayant rien de trouvé de mieux, je me résous à camper à 2 mètres de la voirie. Ce n’est pas l’idéal, mais j’ai le grand plaisir cette nuit-là d’observer le plus beau
ciel étoilé de ce voyage.
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Je garde le col qui se présente devant moi au menu du samedi matin, matinée durant laquelle j’avale goulument 50 km et un
gros dénivelé dans cette réserve du Cerro Castillo. Je prends grand plaisir à gravir ce col, qui est certainement un des derniers du voyage. Evoluant entre ces montagnes sèches, je respire
à plein poumon l’air frais (je suis à environ 1 000 m). Je ne compte plus les jours sans nuages, j’en ai même oublié à quoi il ressemble ! Ma bonne étoile brille toujours
au-dessus de ma tête et j’y veille…
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Je profite tout simplement sans autre doctrine que de vivre le moment présent en me nourrissant de tout ce
qui m’est donné de voir, sentir, écouter, goûter, toucher et respirer !
La descente en lacet vers le village du même nom que la réserve me donne l’occasion de mirer sous divers angles la majestueuse
montagne du Cerro Castillo, qui signifie « mont château », et pour cause ! Il en a l’allure avec toutes ces tours ciselée.
La carretera austral est victime de son succès. Nombreux sont les personnes qui viennent se balader dans le coin, à vélo, en
stop, en bus ou en 4*4...
Je profite d’un abris bus dans le village pour une longue sieste qui me permet de laisser au soleil le temps de descendre
un peu, en espérant qu’il sera plus clément et qu’il me laissera progresser vers le Sud sans trop me faire suer. Cela dit, le nombre de rivières et de ruisseaux que je croise tout au long
de la journée me permettent de me rafraichir sans peine. Après 4 heures de pause, je repars sur la piste et quitte définitivement l’asphalte. Je rencontre beaucoup de chiliens en vacances
venus découvrir la région.
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La route est bien vallonnée, comme on me l’avait dit ! Je profite parfois d’informations que me donnent des gens qui
remontent vers le Nord. Il fait encore très chaud malgré l’heure, mais je prends sur moi et me dit qu’au moins avec ce temps j’ai le luxe de pouvoir profiter pleinement du paysage et de la
magie des lieux, à l’inverse de beaucoup de cyclos qui n’ont pas été aussi chanceux que moi. Donc j’avance dans la fournaise et mange la poussière soulevée par le passage des
véhicules
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Les distances entre les villages sont de plus en plus grandes, la partie Sud de la carretera austral est moins peuplée, plus
sauvage, mais elle reste clôturée !!! Après une crevaison vite réparée, je trouve un terrain parfait pour m’installer, face au soleil couchant sur les sommets enneigés, mais il me faut
ouvrir une clôture… La zone est déserte, je rentre et m’installe en me disant que ça ne gênera pas, en l’espérant du moins. Il n’y a personne, alors j’en profite pour aller me laver sous
une petite cascade à proximité…
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Et à ce moment-là, un jeune garçon passe avec son cheval et me regarde en tenu d’Adam sous cette eau si rafraichissante en
me demandant si j’allais rester ce soir sur le terrain. D’abord surpris, puis étonné qu’il continue à me parler alors que j’étais nu, je lui réponds. Et nous voilà à discuter ainsi. Il me
dit qu’il n’y a pas de problèmes pour que je campe à la condition que j’éteigne le feu si j’en fais un, ce qui n’est de toute façon pas mon intention. Un beau bivouac en perspective pour ce
soir.
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Au son de l’eau qui coule, à celui des grenouilles
et celui des vaches qui meuglent fort, je m’endors paisiblement face à la Cordillère qui ne me quitte pas depuis bientôt 7 mois, où que je ne quitte pas…
En ce splendide dimanche matin, après à peine quelques coups de pédales, je fais la rencontre de Thomas et Virginie avec qui
je passe une bonne heure à discuter. Ce couple de grenoblois, en voyage pour 4 mois au Chili et en Argentine, me semble bien rassuré après leur avoir raconté mon expérience ultra positive.
Rassurés de voir que je ne me suis pas fait voler, rassurés de constater que je n’ai eu aucun accident, rassurés de voir que j’ai rencontré de belles personnes, ils repartent tout sourire,
et moi aussi !
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Au menu du repas dominical ; de la poussière ! Beaucoup de véhicules roulent vite, beaucoup ne ralentissent pas,
beaucoup ne se déportent pas, si bien que je déguste la poussière. Au-delà de l’aspect gustatif des grains de poussière en suspension que j’ai l’occasion de goûter toute la journée,
s’ajoute l’aveuglement résultant du nuage qui se forme après le passage de chaque véhicule et qui ne se dissipe pas si rapidement. J’aime rouler sur piste et je dois donc en accepter la
règle.
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Parti tard et ayant discuté un long moment avant même de commencer vraiment à rouler, je roule aux heures chaudes. Je ne fais pas
de pause aujourd’hui, j’avance sous le cagnard. Par chance, les rivières sont nombreuses dans le coin. Je ne loupe pas une occasion pour remplir mes gourdes d’eau fraiche et pour m’asperger le
visage. Je vais même jusqu’à immergé mon maillot avant de le remettre sur moi. Source de vie, l’eau me nourrit et me rafraichit, régulant ainsi ma température interne que je ne souhaite voir trop
augmenter. Je ressens le besoin de rafraichir mon corps afin d’éviter la surchauffe. Mais j’ai beau faire, le soleil gagne aujourd’hui, en fin d’après-midi, j’abdique et fais une sieste à l’ombre
sur un tronc d’arbre. Cette sieste tardive dure une bonne heure ! Je me réveille sans vraiment être éveillé et reprends la piste pour aller camper un peu plus loin.
Aujourd’hui, les taons ne me laissent pas de répit, ils tournent autour de moi et tentent de me piquer. Les « bzz »
constituent le fond sonore de la journée. J’ai en permanence au moins 3 ou 4 taons qui tentent vainement de piquer ma chair, vainement car ces bestioles ne sont pas assez vives pour éviter les
coups fatals que je leur inflige. Ce ne sont pas moins d’une cinquantaine d’homicides que je commets ce dimanche ! Je passe mon temps à tuer ces taons embêtant sous ce soleil de
plomb.
Encore un beau bivouac près de la rivière m’attend ce soir. Il fait encore chaud sous la tente, mais ce n’est plus dû à la
température ambiante, mais plutôt à la chaleur emmagasinée toute la journée que je restitue tel un panneau photovoltaïque.
Ce lundi 21 janvier, une autre magnifique journée riche en couleur, rien de tel pour débuter la semaine ! Enfin, pour
poursuivre mon périple, car il y a bien longtemps que la notion de semaine m’a échappée, tout comme celle de week-end. Même les mois ne me parlent plus, le temps a pris une autre dimension.
Je vis au jour le jour avec peu et je n’ai jamais été si heureux !!! Et par chance, il fait un temps radieux, toujours pas de nuages en vue, des températures moins fortes et les taons
semblent m’avoir oublié.
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Je n’ai rien d’autre à
faire que de déguster le paysage et penser…
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Penser ! Jamais il ne se passe une seul journée sans que je ne médite. Le voyage à vélo offre ce luxe de prendre le
temps de méditer sur la vie et sur le monde, sur ma vie et sur mon monde. Lorsque les besoins vitaux sont satisfaits, l’esprit pédale vite et même plus vite que mes jambes. En revanche, le
chemin de l’esprit n’est pas tracé, il se créer au fur et à mesure, m’amenant chaque jour dans des contrées inexplorées. En découvrant le monde extérieur, on découvre parallèlement un monde
intérieur…
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La beauté des lacs me laissent sans voix, le bleu azure du lago Carrera semble irréel. Comme dans un miroir, je peux voir le
reflet des chaînes de montagnes.
Plus tard dans la journée, je rencontre Jérémy, au Sud de Puerto Tranquilo. Encore un français ! Il se dit que plus de la
moitié des cyclovoyageurs en Amérique du Sud sont français, je n’en doute plus présent ! Ce dernier remonte de Ushuaia vers… le Pérou, la Colombie, ou ailleurs… Il ne sait pas, mais
qu’importe, il est libre ! Bonne route amigo y suerte !
Il prend le temps et n’est pas pris par le temps, tel est la force du voyageur libre…
Direction Cochrane puis Villa
O’Higgins, terminus de la carretera austral ! La route me réserve encore de belles surprises et de belles rencontres…
A suivre dans la troisième et dernière partie del recorrido de la carretera austral !